Entre d'Eux
« Demain », au CADA, est une date. Peut-être le jour choisi par l'OFPRA* pour donner sa réponse, signant ainsi le terme d'une attente espérante et angoissée. En attendant, il faut occuper le temps, vaste et lent. Il faut apprendre la patience, essayer de sortir de son esprit cette idée fixe qui ronge toute autre pensée : l'obtention du statut. Mais les démarches sont compliquées, la procédure hermétique pour une acquisition parfois vitale. On maîtrise difficilement les rouages d'une administration qui va pourtant décider du destin de ces hommes. Madame H. me dit que son mari est parti à la pêche. C'est ce qu'il a trouvé pour tuer le temps. Et aussi pour avoir l'impression de continuer à subvenir aux besoins de sa famille. Puisque Monsieur H. ne travaille pas, ne peut pas travailler sans papiers. C'est le mal que tous connaissent: l'oisiveté forcée, du temps en trop qui fait se sentir inutile. C'est comme si le temps était suspendu, leur vie mise sur pause... entre deux espaces, les deux pays, et entre deux instants, les deux identités. Ils sont en France mais pas français. Ils sont arméniens, congolais... mais plus dans leur pays. Ils ont des souvenirs envahissants et un avenir inconnu. Ils sont dans cet entre-deux là représenté physiquement par le centre de villeurbanne ou de Bron, le CADA. Un entre-deux que l'obtention du statut de réfugié ne viendra résoudre que partiellement. Les papiers n'effaceront pas les souvenirs. Et ces papiers ne garantissent en rien une vie plus facile sur le territoire. Lorsque la procédure est positive, que le demandeur d'asile devient réfugié, que devient celui qui dans son pays était professeur d'histoire ou pianiste ? Quel métier a-t-il le droit d'espérer en France ?